Crise ? Rebond ?

Normalement, plus personne n’est censé ignorer que 3DVF est l’un des très rares – sinon le seul – média francophone à observer et promouvoir avec expertise les enjeux de l’enthousiasmante et transversale filière de l’imagerie (forcément numérique) et des industries créatives.
Son instructif article aux relents de méthode Coué, “Emplois dans l’animation et les effets visuels : après la crise, le rebond ?“, nous donne l’occasion de relayer ici la captation du webinaire “Recherche de stage” que 3DVF a organisé en février dernier autour d’un panel de talent acquisition managers (“responsables de la détection et de l’embauche des talents”, en bon français) représentant quelques têtes de gondole du (super)marché de l’animation et des VFX.
Au-delà des réponses et conseils précieux apportés aux futures professionnelles, cette vidéo peut se révéler très instructive pour quiconque – jeunes en phase d’orientation ou parents angoissés par les velléités technico-artistiques de sa progéniture, par exemple – souhaite se forger rapidement une idée de la situation, présente et à venir à court terme.
A bons entendeurs.

Embouteillages, ce n’est que le début

Les plus jeunes d’entre vous, qui s’intéressent professionnellement à la création animée, le savent déjà, quantité d’influenceurs sérieux et autres “coaches” à distance s’activent sur les réseaux sociaux et prodiguent des analyses pertinentes et de précieux conseils, en particulier à destination des néo- et aspirants professionnels désireux de faire carrière dans le cinéma d’animation, les jeux vidéos ou les effets visuels numériques, voire les trois en même temps.
Un récent post de Jérémy Trilles, animateur 3D et formateur en région Auvergne-Rhône-Alpes, a brillamment résumé les données du contexte actuel, caractérisé par un déséquilibre inquiétant entre le nombre de studios de fabrication présents sur le territoire national et le nombre d’établissements de formation.
Cette synthèse fait écho à la tribune adressée en avril dernier aux ministères du travail et de l’enseignement supérieur, ainsi qu’à France Compétences par l’association TeamAnim (filière animation/jeux vidéos en A.R.A).

Si le résumé à gros traits que nous reproduisons ci-dessous (en l’explicitant a minima pour les néophytes) est alarmiste, il a le mérite de vulgariser l’un des enjeux majeurs de tout une industrie créative tiraillée entre des choix stratégiques contradictoires et possiblement porteurs de sa propre perte.
Cette industrie que le monde nous envie n’est pas condamnée à foncer dans le mur. Il va probablement falloir appuyer sur le frein (le plus tôt sera le mieux), changer de modèle de développement (facile à dire), écouter les lanceurs d’alerte argumentée, lesquels expriment rarement des inepties.


Les stages et alternances en Jeu Vidéo et Cinéma d’animation c’est MORT pour 2024 !
Tu n’as quasiment aucune chance d’en trouver dans ce secteur et je vais t’expliquer pourquoi.


Arrivée massive de demandeurs (de stage, d’alternance)
Il y a environ 50 écoles de 2D/3D en France.
On demande aux 2ème année, 3ème de Bachelor de trouver un stage entre 2 à 6 mois.
Idem, pour les 4ème et 5ème année en Master s’ils ne trouvent pas d’alternance.
4 classes, 4 promo qui sont parachutées pour chercher les même types de stage / alternance.
Il y a environ 15 étudiants par classe.
Au total ça fait… 4 promo x 15 étudiants = 60 étudiants par école
60 étudiants x 50 écoles = 3000 élèves sur le marché du Jeu vidéo / Cinéma d’animation.

On parle ici uniquement des promotions artistiques ( Game Art, Art Graphique, Animation )

Réduction de l’offre de la part des studios
La crise actuelle fait qu’il y a moins de productions, donc moins de besoins en recrutement.
Il n’y a pas assez de visibilité à long terme sur les projets pour s’engager à prendre en alternance sur 1 an.
Le soucis étant que former un Junior monopolise un tuteur qui passe moins de temps en production. Donc c’est coûteux et risqué pendant une crise.


Les contraintes fortes des entreprises
Légalement, une entreprise avec moins de 20 employés ne peut accueillir que 3 stagiaires MAX.
Une entreprise avec plus de 20 employés ne peut avoir que 15% de son effectif en tant que stagiaire.
Donc pour 60 employés = 9 stagiaires MAX.
9 stagiaires pour TOUT poste confondu (management, artistique, programmation, etc…).

Tu comprends donc que mathématiquement, même avec 500 entreprises dans le secteur qui acceptent 9 stagiaires chacune (4500 au total sur TOUT type de poste), il est impossible qu’il y ait de la place ne serait-ce que pour la moitié des 3000 étudiants sur le marché, compte tenu des contraintes citées.

L’anim’ est un long fleuve tranquille

Téléchargeable gratuitement (ici), la version actualisée de l’imposant (350 pages) “Guide de survie” pour les néo-professionel.les de la création animée, conçu par Antoine David et le Pôle Magélis d’Angoulême, est disponible depuis peu.
Simple à lire (gros textes et plein d’images parce que c’est vrai qu’en 2024, lire un livre sans images c’est trop fatigant), relu et approuvé par les organismes en charge du labeur quotidien, ce document est d’utilité publique.

Carte des aides territoriales à l’animation 2023

Coucou, revoilou notre carte schématique des aides à l’animation, réalisée à partir des données publiées par l’agence du cinéma et de l’audiovisuel de Centre Val de Loire, Ciclic, dans son “Panorama annuel des interventions territoriales” !
Depuis notre précédente infographie en 2021, l’eau a coulé sous les ponts et, le moins que l’on puisse dire, est que la Normandie s’étant dotée d’une aide spécifique au développement de projet animé, laquelle – directement ou indirectement – stimule les productions normandes, notre région va pouvoir (enfin) bénéficier des retombées économiques directes (en emplois surtout) générées ailleurs en France par la création animée.

La consultation de ces données croisées, fait notamment apparaître deux anomalies. L’une, très négative, est le spectaculaire désengagement de la région Auvergne Rhône-Alpes dans le financement du cinéma et de l’audiovisuel par rapport aux années précédentes.
L’autre, très positive, est le soutien remarquable et mérité (140k € sur un fonds d’aide global de 295k € fléché vers l’animation) à “Nouvelle Page”, l’exemplaire projet de série porté par la société coopérative, Scalae Productions.
Vite des émules !

Concernant la Normandie, le passage inédit d’un timide soutien moyen annuel, tournant jadis autour des 30k € (0€ en 2019 et 2021), à 390 000 € aujourd’hui, est dû spécifiquement aux projets de long métrage de Sylvain Chomet et de la première série pre-school à laquelle sont associés des professionnel.les normand.es. Les détails sur cette page.

Pendant ce temps-là à Annecy

Alors que tous les regards s’apprêtent à se focaliser sur le Festival de Cannes (où la représentation du cinéma d’animation n’a jamais été aussi importante, soit dit en passant), prenez donc quelques minutes – à partir de la 25e de cette émission – pour voir ou écouter les propos limpides de Véronique Encrenaz, responsable du Marché International du Film d’Animation (MIFA), adossé depuis près de 40 ans au Festival International du Film d’Animation d’Annecy (lequel a dépassé la soixantaine, rappelons-le).

Par le prisme du projet annécien, vous découvrirez peut-être, avec la naïveté touchante du patron d’Allociné, la réalité d’une filière englobante, économiquement puissante, hybridée, transversale, transmédiatique, dont Annecy se prépare patiemment à devenir ni plus, ni moins que le centre de gravité mondial.

Parmi les enjeux évoqués ici, on notera le développement de la culture de l’animation “adulte” en particulier auprès des distributeurs et exploitants de salles de cinéma, les insolentes retombées économiques produites sur un territoire par un écosystème industriel de la création animée, l’impressionnante montée en puissance des projets à caractère transmédiatique stimulée significativement par le continent africain (ce qui devrait en étonner plus d’un.e !).

Après avoir ouvert sa compétition aux contenus XR en 2019, en donnant une place conséquente cette année aux jeux vidéos et à la porosité toujours plus prégnantes de ce secteur d’activités avec celui du cinéma, les Festivals et Marchés d’Annecy couvrent désormais à peu près l’entièreté du vaste spectre des Industries Culturelles Créatives.
A bons entendeurs…

RADI-RAF 2023, synthèse, etc.

La prochaine édition des Rencontres Animation Développement Innovation (augmentée cette année d’une demi-journée) et des Rencontres Animation Formation se déroulera à Angoulême du 19 au 22 novembre 2024.
• Si vous ignorez encore en quoi consistent ces événements incontournables, rendez-vous sur cette page.
• Pour lire la synthèse de l’édition 2023, c’est ici.
• Pour consulter/télécharger les diaporamas (pdf) illustrant les différentes interventions et autres photos, c’est .
• Pour visionner les captations vidéos des principales rencontres, tout est sur cette page.

Quel impact de l’IA sur les filières du cinéma,de l’audiovisuel et du jeu vidéo?

Publié le 6 mars 2024, à l’occasion de la journée « Créer, produire, diffuser à l’heure de l’intelligence artificielle » organisée par le CNC, ce rapport dresse une première synthèse panoramique des différentes incidences de l’IA, et en particulier des outils utilisant l’IA générative, sur les secteurs professionnels transversaux du cinéma, de l’audiovisuel et des jeux vidéos.
La création animée, qui embrasse les trois domaines d’activités, sera (est déjà) particulièrement touchée à court terme.
Cette étude est donc à lire absolument pour ne pas tomber des nues demain matin, quand nous n’aurons peut-être plus que nos yeux pour pleurer.

Télécharger l’étude du CNC

A toutes fins utiles

Chaque année, l’association Les Intervalles accomplit le travail titanesque de recensement des établissements de formation aux métiers de l’animation (cursus, conditions et frais d’inscription, infos pratiques diverses).
Les deux écoles présentes sur le territoire régionale y figurent et permettent ainsi à la filière normande de l’imagerie d’exister sur la carte de l’hexagone, habituellement vide sur l’espace occupé par la Normandie (cf. rapports du CNC animation et VFX, par exemple).

Ce petit détail, anecdotique sans doute pour la plupart d’entre vous, est le premier germe significatif des actions de Normandie Animation pour structurer et développer la filière régionale de la création animée (cinéma, audiovisuel, VFX, jeux vidéos), et plus largement de l’imagerie, fabrication intrinsèquement numérique d’images et de sons.
Notre démarche est longue et laborieuse, car bénévole et soutenue par aucune instance publique, mais elle porte ses fruits et entrera prochainement dans une phase plus concrète et ostensible aux yeux de tous.
Encore un peu de patience.
On ne lâche rien.

Pour consulter l’édition 2024-2025 de l’Annuaire des écoles françaises d’animation