Sursaut ou saut dans le vide ?

Les festival et marché internationaux du film d’animation d’Annecy démarrent et l’ambiance globale n’y sera pas à la fête pour l’écrasante majorité de ses participants professionnels et étudiants.
Comme vous le savez, le secteur traverse depuis deux ans une crise multifactorielle sans précédent.
On lira pour en connaître les enjeux globaux le récent article publié par Le Monde.fr ou, pour en appréhender quelques conséquences concrètes sur l’emploi,, l’article circonstancié du site 3DVF consacré aux déboires peu glorieux du studio Andarta Picture.

Mais le plus préoccupant se situe sans conteste sur le volet qui bouleverse radicalement le paysage industriel de l’animation, la pénétration au pas de charge de l’IA générative dans les pipelines de production, technologie déjà suffisamment avancée pour rendre superflue une part croissante de la masse salariale des unités de fabrication. Les premiers touchés étant les plus jeunes, à savoir les profils junior, les néo-diplômés, les étudiants tout juste entrés en écoles spécialisées, dont le nombre continue de croître en dépit du tassement drastique de l’offre d’emplois. Cherchez l’erreur.
Si la programmation du festival le plus important dans son domaine est toujours de très haut niveau, si son ouverture aux autres secteurs de l’imagerie (VFX, jeu vidéo, immersivité) reflète parfaitement l’évolution inéluctable vers la “transdisciplinarité convergente” en marche, on surveillera tout particulièrement l’ampleur de la manifestation, inédite à Annecy depuis que le festival existe, organisée à l’appel d’une coalition internationale de syndicats et groupes représentatifs le jeudi 12 juin à 14h (Pâquier, face à l’espace Bonlieu). La mobilisation pourrait bien migrer vers les salons feutrés de l’Impérial Palace où se tiendra une heure plus tard la table ronde “L’avenir des studios d’animation : Réinvention et résilience dans un secteur en mutation“.

Enfin, on saluera par avance les prises de paroles de l’immense Joanna Quinn (invitée d’honneur), rare personnalité du monde de l’animation à s’engager publiquement en faveur des populations de Gaza.

Bon Annecy 2025 quand même !
(On croise les doigts pour toi, Momoko !)

Que tout change pour que rien ne change

Toujours plus présent mais toujours relégué au second plan…
La déconsidération du cinéma d’animation dans le contexte du Festival de Cannes n’est plus une surprise mais elle est de plus en plus incohérente, et de plus en plus médiatisée au-delà des canaux spécialisés.
Un exemple avec cet article circonstancié du site Écran Noir.

On citera ici, histoire de prendre date, les longs métrages qui feront bientôt l’événement (bardés des prix qu’ils récolteront ou pas à Annecy) et que vous aurez l’occasion de découvrir en salles normandes – peut-être même avec leur réalisateur ou réalisatrice) – dans les mois à venir, en octobre en particulier :
La mort n’existe pas de Félix Dufour-Lapérière
Planètes de Momoko Seto
Amélie ou la mécanique des tubes de Maïlys Vallade et Liane-cho Han
Arco de Ugo Bienvenu et Marcel
Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet.

Côté courts métrages, il n’est pas du tout exclu qu’une palme échoue entre les mains surdouées d’Agrès Patron (Un fugue) ou de Sandra Desmazière (Comme un fleuve).
Côté plage, le classique – et néanmoins sombre et nihiliste à souhait – de Mamoru Oshii, L’œuf de l’ange (1985 !!!) à lui seul emblématique de la maturité artistique l’industrie japonaise des dessins animés occultée aux yeux occidentaux.

Cannes, 17 mai 2025

Page 12 : « La filière française de l’animation, pilier de l’identité culturelle et industrielle du pays, traverse une zone de turbulence. L’impact des plateformes, la contraction du marché international, et les limites du cadre actuel des soutiens publics fragilisent un secteur historiquement fort, structuré et reconnu à l’international. Les Régions, acteurs (sic) de premier plan du soutien à la production d’animation, s’interrogent sur la concrétisation de l’«impératif national » évoqué par le ministère de la Culture et sur l’intégration effective de l’animation dans les futurs dispositifs stratégiques comme France 2030. »

Qui aide le plus l’animation ?

Le printemps donne chaque année l’occasion à Ciclic, agence régionale du cinéma et de l’audiovisuel en Centre Val de Loire, de publier son panorama annuel des aides territoriales (régions, départements, communautés de communes, communes) à la création d’images qui bougent.
Normandie Animation se fait alors une joie d’en isoler les soutiens spécifiquement dédiés au cinéma d’animation pour réaliser une belle carte très éloquente qui illustre à sa manière le volontarisme normande en la matière.

Pour rappel, le fonds d’aide normand dispose d’une seule aide dédiée à l’animation, soutien au développement de projet animé dont le montant total est de 40 000€/an, plafonné à 20 000€ par projet aidé (formats court, long et sériel confondus). Vous pouvez suivre sur cette page la répartition exacte de cette enveloppe.
Néanmoins, dans des cas plus rares, des projets de long métrage ou de série peuvent obtenir des aides conséquentes issues des soutiens à la production, comme ce fut le cas exceptionnellement en 2023 pour Marcel et Monsieur Pagnol (aide à la production de long métrage) et la série Moodz (aide à la production audiovisuelle).

Un salut solidaire à nos ami.e.s de Bourgogne – France-Comté.
Ne lâchez rien ! Tout vient à point à qui sait attendre longtemps.

Dans les coulisses de l’image animée

Du 24 au 27 avril 2025, la 3e édition du festival Les Révélations consacrera une petite partie de son programme à la création animée made in Normandy. Rendez-vous principalement le vendredi 25 avril à 20h30 au cinéma Sirius (Le Havre) pour une séance co-présentée par l’agence Normandie Images, l’école Lanimea et Normandie Animation.
Y seront projetés plusieurs films de fin d’études conçus par les étudiants de Lanimea (Swann Cordier, Jade Pélerbe, Lucile Annoot, Sacha Camillieri, Vincent Lannel, Victoire Perrier, Aurore Gardan et Carlos Alava Garzon) ainsi que des films de réalisatrices et réalisateurs confirmé.e.s, pensés/fabriqués ou produits en Normandie (Anthony Gandais, Ulysse, Anna Budanova, collectif HSHcrew et Calvin Antoine Blandin).

> le programme complet des Révélations

Un (autre) petit-grand pas pour la Normandie !

L’unique école normande entièrement dédiée à la création animée (2D, 3D, stop-motion), Lanimea, rejoint le RECA (Réseau des Écoles françaises de Cinéma d’Animation). Et c’est un petit événement.

Le RECA est une association lancée en 2012 qui fédère actuellement 34 établissements de formation professionnalisante aux métiers de l’animation et des effets visuels numériques (VFX).
Dans le contexte explosif actuel (crise sectorielle, tension du marché, sur-saturation de l’offre de formation, …), le réseau d’écoles développe un processus de labellisation, plus contraignant qu’il ne l’était jusqu’ici, obligeant ses établissements adhérents à la transparence sur les chiffres d’employabilité de leurs diplômé.e.s et à des audits plus réguliers.

Un petit-grand pas pour la Normandie !

A partir du 5 avril, Moodz, réalisée par Marie-Laure Pitschon-Lautric, sera diffusée sur France 5 et sur la plateforme Okoo. Et, mine de rien, ceci constitue un petit événement en soi.
Il s’agit de la toute première série télévisée animée, de 52 épisodes de 7 minutes, adressée aux publics preschool (3-5 ans), soutenue à hauteur de 200 000 € en 2023 par le fonds d’aide normand à l’audiovisuel, depuis que ce dernier existe. Vous avez bien lu !
Un soutien conditionné notamment par le pré-achat d’un diffuseur et bien sûr par la “normanditude” avérée de tout ou partie de son équipe de production. C’est donc Marie-Laure, parallèlement autrice graphique du projet, qui remporte le pompon et inaugure ainsi le début d’une nouvelle ère pour la filière régionale des industries créatives.

“Industrie”, le gros mot est lâché !
Car pour qu’une région puisse profiter des retombées économiques sonnantes et trébuchantes de la production animée (emplois durables et non-délocalisables, rayonnement international, ruissellement sur les autres secteurs de la création audio-visuelle, …), il faut sur son territoire des producteuristes porteurs de projets ambitieux, des écoles et des studios de fabrication. Autrement dit, un véritable écosystème industriel.

Félicitations chaleureuses pour ce fait d’armes historique !

Vous êtes prévenu.e.s !

C’est la première fois qu’une organisation interprofessionnelle (disposant de si peu de moyens financiers et de tant d’huile de coude !) se colle à une telle étude d’intérêt public. Alors autant dire que cette dernière est aussi nécessaire à l’information générale que résolument salutaire pour la défense des droits des salarié.e.s du secteur d’activités de la création animée.
Que vous soyez jeunes apprenant.e.s, néo-professionnel.les, voire en charge du déploiement sur le terrain des politiques publiques (formation, culture, économie), ce document synthétisant les réponses de plus de 1000 répondants vous sera très instructif, et peut-être même utile.

Les ciné-marionnettes de Wes Anderson à Paris

S’il ne s’est pas fait que des amis dans la communauté des animateuristes anglais, le cinéaste américain, fétichiste de la maison de poupées, a néanmoins pondu deux des longs métrages d’animation en stop-motion les plus remarquables de ces 20 dernières années, le brillantissime Fantastic Mr Fox (2009) et le plus discutable L’île aux chiens (2018).
Sans oublier ses petites merveilles fédératrices et impérissables, Rushmore et Moonrise Kingdom, soit dit en passant…

Du 19 mars au 27 juillet, la Cinémathèque française a la bonne idée de lui consacrer une exposition rétrospective, présentant notamment quelques décors miniatures et un panel important des ciné-marionnettes, protagonistes des deux films d’animation précédemment cités.